Bienvenue sur ce blog très intime.Ce blog a vu le jour peu après la naissance de mon fils Timothée.

Timothée est né, sans vie, le 25 mai 2007 à 37 semaines de grossesse.

Telle une porte ouverte sur mon âme meurtrie, vous y trouverez les mots que j'adresse à mon fils.

N'hésitez pas à laisser vos commentaires. Ils m'aideront à cheminer.


mercredi 25 juillet 2007

Deux mois....

Petit bouchon,

Deux mois….voici deux mois que tu es sorti de mon ventre. Le soleil est au rendez-vous comme ce vendredi 25 mai où j’ai accouché.

Je crois que je commence à comprendre ce que j’ai lu dans ces témoignages de maman qui ont perdu leur enfant : la vie continue insolemment et ce vide est bien là, beaucoup trop présent.

(…)

Nous avions décidé, ton père et moi, de nous retirer deux jours dans une abbaye. Nous recueillir dans le calme, tenter de puiser dans cet environnement, un peu de sérénité, de paix intérieure. Nous avons effectivement trouvé le calme mais l’austérité de l’endroit a réveillé chez moi de mauvais souvenirs….réminiscences de cette éducation judéo-chrétienne étriquée qui a bercé mon enfance et mon adolescence. Je ne sais pas si c’était les dates ou le contexte mais je me suis endormie avec le film de cette douloureuse semaine à l’hôpital qui défilait dans ma tête. Le lendemain matin, ton père me confiait que lui aussi n’avait eu cesse de penser à toi avant de s’abandonner dans les bras de Morphée.

Le repas de midi se prenait en silence. Pendant que j’observais le cadre, les moines, j’ai senti une terrible colère monter en moi : comment ce fameux Dieu pouvait-il laisser faire une chose pareille ? Au nom de quoi se permettait-il de t’arracher de mon ventre ? Cette profonde injustice me coupait l’appétit.

Deux secondes j’ai imaginé partager avec l’un de ces moines mon ressenti. Cette idée s’est envolée aussi vite qu’elle n’est apparue. Qu’allaient-ils pouvoir comprendre, me dire ?....Que Dieu t’a rappelé à lui, que tu es à ses côtés, que je peux être rassurée car il est Amour ? Sans vouloir prétendre rivaliser avec ce fameux Dieu, moi aussi j’étais pleine d’amour pour toi. Vraisemblablement il l’était plus que moi, c’est Dieu qui a gagné. Il ne me restait plus qu’à m’incliner…

Un imposant Christ en bois, crucifié sur sa croix, dominait la salle du repas. A l’aube de mes 33 ans, comme lui, j’avais entamé l’ascension de mon Golgotha, comme lui, on m’avait crucifiée ! Eloi eloi lama sabachthani, a-t-il crié sur la croix. Moi aussi je voulais hurler : Pourquoi fils, m’as-tu abandonnée ?!

Du souvenir que j’ai de mes cours de catéchisme, ce Jésus a demandé à son père qu’il pardonne à ceux qui l’avaient crucifié…ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient, paraît-il. Cela signifie-t-il que je doive à mon tour pardonner à ce Dieu qui me crucifie ? Se rend-il compte de la souffrance qu'il me fait endurer ? Est-ce que lui sait au moins ce qu’il fait ?

En ce jour, Dieu…je te hais !

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Cécile,
Tu résumes parfaitement l'idée de la foi, comment croire en un Dieu qui nous prend nos enfants ? Je vous trouve très courageux d'avoir fait cette retraite, vous retrouver dans ce lieu face à votre douleur pour essayer d'y trouver peut être une réponse...
Mon mari est musulman et depuis le départ d'Ilian il doute de sa foi... Dans l'Islam, on dit que les enfants qui nous quittent vont directement au Paradis, qu'ils sont des anges et qu'ils ont même le pouvoir d'ouvrir les portes du Paradis à leurs parents... Dernièrement, j'ai eu envie qu'il aille à la mosquée, demander un écrit à l'Imam. Je n'ai pas vraiment su expliquer pourquoi, je crois que j'ai juste besoin qu'on reconnaisse l'existence de mon fils, encore et encore. L'Imam a été très bien, il n'a pas fait de discours sur le fait qu'il était mieux là où il était maintenant, que si Dieu l'avait rapellé à lui c'était pour une raison que lui seule connaissait... Il nous a simplement répété que notre fils était un ange et que Inch Allah nous auront d'autres enfants... Il a écrit une prière sur un petit bout de papier, je le garde sur moi en permanence, comme une preuve de l'existence de mon fils...
Et je connais depuis peu la signification du prénom Ilian : spirituellement grand...
Je t'embrasse bien fort...

Virginie

(message du 25 juillet à 11:16)

Anonyme a dit…

Bonjour Cécile,

Je viens de te lire attentivement. Je suis très pensive. Cet isolement m'impressionne et me fait froid dans le dos. Je sais que je serais incapable de faire une telle retraite.
Je ne suis pas croyante. Je crois que j'étais partie pour l'être. Ma mère y tenait ferme. Mais trop de nuits passées dans ma chambre, enfermée à clé, l'oreille collée au mur de ma tête de lit, à écouter si ma mère respirait encore après un unième coup, ont eu raison de ma foi en quoique ce soit. Pourquoi ce Dieu me laissait-il seule avec ma peur????... mon père m'enfermait en me disant "tu ne pourras pas venir te mettre en elle et moi, tu verras bien si elle est encore là demain matin..."... j'ai rêvé mes nuits comme une orpheline à qui on ouvrirait le lendemain, seule, devant vivre avec un père qui n'attendait que cela, me gérer seul, me pétrifier, me briser encore plus...
J'ai parlé à Dieu dans mes nuits d'enfant, je lui ai demandé ce que j'avais fait de mal pour endurer cela... et j'ai compris que je me parlais à moi-même, que si je voulais que ça change, c'était à moi d'agir, et moi seule....
Je suis une écorchée vive, depuis toujours, je ne supporte pas ce que je lis dans les journaux, je ne comprends pas les guerres, le racisme, la violence...
Je ne comprends pas non plus comment cela se fait-il que ton bout de chou est parti... c'est un illogisme, c'est contre nature....
Je ne peux pas être auprès de toi et j'aimerais vraiment pouvoir le faire.... car mes mots ne te sont d'aucun réconfort et je le sais trop bien.
Mon père est décédé le 25 mai 1991, c'est un jour que je déteste... le seul jour où je l'ai connu inoffensif, aimant, rongé par un cancer...
Son père était belge... J'ai un nom de jeune fille de là-bas, une famille belge de par mon grand-père que je n'ai jamais connu...
C'est bizarre....
Je t'embrasse fort...
véro

(message du 25 juillet à 14:02)

Anonyme a dit…

Un deuxième anniversaire déjà/seulement, c'est aujourd'hui que je découvre ton livre ouvert à Thimothée...Que tes mots de jeune maman désenfantée font couler des larmes que je croyais, naïve, moins affleurantes maintenant. Que j'admire ta force, ton éloquence et ta sagacité. Que j'aimerais te dire que tu ne peux que gravir avec succès cette fameuse motagne de ton île peu paradisiaque, puisque moi si faible, si seule, et bien moins combative, je crois bon an mal an, être parvenue à la franchir, et à continuer ma vie en la laissant derrière moi, en toile de fond certes, mais plus dressée en perspective tel un mur perméable à tout chemin de vie...Cécile, tu vis Thimothée comme cette force qu'il doit être, et tu ne peux faire mieux, j'ai envie de te ...féliciter, de l'avoir mis au monde et de le porter encore ainsi. Si les interrogations que son départ lèvent en toi sont si fortes, c'est que tu as déjà toutes les clés en main, ou si ce ne sont les clés (de quel paradis d'ailleurs?), du moins la carte qui te conduira à bon port, avec ce bagage inusable de l'amour que tu portes à ton fils.
De tout coeur avec toi, je ne saurais mieux dire.
Une maman endeuillée (d'une première fille au même terme que toi), depuis "restaurée" dans sa fonction légitime.

(message du 25 juillet à 14:41)

Cécile a dit…

Virginie, Véro, StellaAlba,

Dans ces moments où je perds espoir, je viens me réfugier ici et je lis inlassablement vos doux mots. Ils caressent mon âme blessée et atténuent ma souffrance.

Merci de me lire, merci de me soutenir, merci de vous laisser toucher.

Vous êtes ces jolies fleurs qui éclairent, illuminent ce chemin que j'ai entamé.

Cécile